Les prochaines élections communales se dérouleront le 13 octobre. Les communes ont un rôle à jouer, dans un contexte belge et européen où les politiques en matière de migration s’annoncent de plus en plus restrictives et où de nombreux pays se replient sur eux-mêmes, voire menacent de se renvoyer les personnes exilées qui arrivent sur leur territoire.
Les communes peuvent être actrices de changement en matière d’accueil des personnes étrangères et décider de mener des politiques plus respectueuses de leurs droits. Premier point de contact des habitant·es, belges comme étranger·ères, elles interviennent dans de nombreux aspects de la vie quotidienne, comme la scolarité, le logement, la sécurité, la participation à la vie citoyenne.
Les personnes étrangères rencontrent souvent des difficultés pour accéder aux services communaux (service étrangers, CPAS…), ce qui les empêche de mener à bien leurs démarches administratives et parfois, d’accéder à leurs droits. Difficultés d’accès aux services (digitalisation des démarches, distribution de tickets très tôt le matin, difficulté à recourir à l’interprétariat…), non délivrance de certains documents obligatoires et nécessaires (documents temporaires de séjour, annexes, accusés de réception…) limitant ou retardant l’accès aux droits, informations imprécises ou incorrectes sur les procédures de séjour, de mariage, de nationalité… Pour les étranger·ères qui s’installent en Belgique, l’inscription dans les registres de population est une étape importante, dont va dépendre l’accès à une série d’autres droits (travail, aide sociale, couverture médicale…). Le retard ou les difficultés liées à celle-ci dans certaines communes peuvent être extrêmement problématiques, en particulier pour les publics les plus fragilisés.
Nos recommandations aux futur·es élu·es locaux·ales
En matière d’accueil et d’information dans les administrations communales
mettre en place un guichet « primo-arrivants » dans les communes, où les personnes récemment arrivées sont reçues par des employé·es formé·es et multilingues, où les documents leur sont délivrés dans leur langue et où elles sont orientées en fonction de leurs besoins spécifiques
préciser clairement les motifs de convocation dans les courriers adressés par l’administration, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes sans papiers
appliquer les procédures et les délais prévus par la loi (enquêtes de résidence, transmission des dossiers à l’Office des étrangers, délivrance des documents temporaires de séjour…); quand la loi ne prévoit rien, appliquer des délais raisonnables pour éviter toute suspension de droits
procéder systématiquement à la délivrance des documents temporaires de séjour (annexe 15, par exemple) pour éviter l’interruption du séjour et la perte de droits
faire preuve de vigilance dans les procédures de radiation et faciliter la procédure de réinscription par la commune, pour éviter que les personnes radiées par erreur ou trop vite (notamment dans les situations de violence conjugale ou intrafamiliale) attendent trop longtemps la décision de réinscription par l’Office des étrangers
appliquer des tarifs raisonnables pour la délivrance des documents administratifs ou des clefs numériques remplaçant les cartes d’identité électroniques, en prévoyant des dispenses ou des tarifs réduits pour les publics précarisés, y compris les demandeur·euses de protection internationale, les étudiant·es étranger·ères, les personnes sans papiers…
favoriser l’inscription sous forme d’adresse de référence pour les personnes ayant droit au séjour qui ne peuvent se domicilier là où elles résident (services d’accueil d’urgence, d’hébergement de victimes de violences…); implémenter une procédure automatique entre les CPAS et les services « population » de la commune pour faciliter l’octroi effectif et rapide d’une adresse de référence
respecter l’obligation prévue à l’article 1er du décret du 5 mai 2006 de réaliser des copies certifiées conformes des documents nécessaires aux procédures d’équivalence de diplômes étrangers, en particulier pour les personnes qui bénéficient d’un statut de protection internationale, et pour toutes les personnes en situation précaire (chercheur·euses d’emploi, bénéficiaires de CPAS, personnes en attente d’un titre de séjour stable…)
organiser un accueil administratif de qualité des personnes étrangères résidant dans la commune: plages horaires et fonctionnaires en suffisance dans les services « étrangers » pour garantir un accueil humain, aimable et sans discriminations, espaces adaptés à toutes et tous…
proposer de manière proactive une information claire (idéalement en plusieurs langues) sur les procédures administratives et les droits en matière de séjour, de mariage, de cohabitation légale, d’accès à la nationalité, ou sur les services existants au sein de la commune
permettre aux services communaux de recourir aux services d’interprétariat social
En matière d’aide sociale
organiser un accueil de qualité par les services du CPAS avec des horaires adaptés, un recours à l’interprétariat si nécessaire, la mise à disposition de brochures explicatives en différentes langues, le respect des délais légaux
prêter attention aux besoins spécifiques du public « primo-arrivant » au sein des communes et CPAS, avec la possibilité d’être reçu par des employé·es formé·es et multilingues, de recevoir des documents dans sa langue et d’être orienté en fonction de ses besoins
informer de manière claire, précise et proactive les personnes étrangères sur les différents types d’aide sociale, y compris le droit à l’aide médicale urgente pour les personnes sans papiers (directement, par les fonctionnaires du CPAS, et via le site internet du CPAS)
faciliter et renforcer l’accès à l’aide médicale urgente: systématiser le recours à la carte médicale, délivrer des cartes médicales de plus longue durée, élargir la prise en charge à certains médicaments, intégrer le remboursement des soins dentaires, ophtalmologiques et liés à la santé sexuelle et reproductive
favoriser, dans les cas qui le nécessitent, l’accès à une adresse de référence auprès du CPAS
faciliter l’octroi de primes d’installation, du premier loyer et/ou de garanties locatives pour les bénéficiaires de protection internationale
En matière de logement
faire preuve de solidarité, soutenir logistiquement, ou au moins ne pas empêcher les occupations collectives de bâtiments inoccupés sur le territoire communal et aider leurs habitant·es à trouver des solutions de relogement de moyen et long terme
élargir l’offre de logements de transit
En matière de vie privée et familiale
ne pas considérer l’origine étrangère des personnes, la situation de séjour précaire ou irrégulier comme un indice de complaisance dans les démarches de mariage, de cohabitation légale ou de reconnaissance de paternité; ne pas recourir systématiquement aux enquêtes pour complaisance
veiller au respect de la vie privée et familiale des personnes lorsque des enquêtes doivent être menées (mariage, cohabitation légale, reconnaissance de paternité, regroupement familial…)
veiller au respect des convictions de chacun·e lors de la célébration des mariages
faciliter l’inscription des personnes étrangères venues par regroupement familial, en particulier de membres de familles de bénéficiaires de protection internationale, en acceptant les actes étrangers déjà acceptés par d’autres administrations belges, notamment l’Office des étrangers, puisque la commune est habilitée à établir l’authenticité de tous les actes qui lui sont présentés
En matière de police
préciser les motifs de convocation dans les courriers adressés aux personnes étrangères, en particulier aux demandeur·euses de protection internationale et aux personnes sans papiers
faire respecter le principe d’inviolabilité du domicile: ne procéder à aucune arrestation sans mandat du/de la juge au domicile d’une personne, en particulier si elle est sans papiers
veiller à ce que les opérations de contrôle d’identité ne se basent pas sur un profilage ethnique et qu’on ne procède pas à des arrestations au seul motif de l’irrégularité du séjour de personnes sans papiers, que ce soit sur le chemin de l’école, à la sortie des lieux de culte, des occupations, des transports publics, des lieux où des services sont offerts aux migrant·es…
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